Portefeuilles FNB : gestion active du risque d’inflation
Comme les prix restent volatils, Steven Shepherd, de l’équipe Solutions d’investissement multiactif, explique comment les portefeuilles de FNB BMO atténuent le risque au moyen d’une approche active.
Juillet 2021
Steven Shepherd
CFA, Directeur général et directeur de portefeuille, équipe Solutions d’investissement multiactif de BMO
Lire la biographieRemarque : l’entretien initial a eu lieu le 22 juin 2021. Il a été modifié pour le rendre plus clair et plus concis, et certains commentaires précis sur les marchés pourraient avoir été modifiés.
Comment utilisez-vous la philosophie à « cinq volets » pour gérer les portefeuilles de FNB BMO?
SS Permettez-moi d’abord de souligner que les gens affirment parfois qu’un portefeuille de FNB constitue une stratégie passive. Rien n’est plus faux. Les « cinq volets » représentent essentiellement l’ensemble de nos décisions actives résumées dans un seul document. Ils nous montrent où nous surpondérons ou sous-pondérons différents éléments du portefeuille, ce qui nous permet d’ajouter de l’alpha à l’exposition au coefficient bêta des FNB sous-jacents. Il existe 90 FNB BMO, nous avons donc beaucoup de façons de le faire.
Pour en revenir à la question, le premier volet, catégorie d’actif, représente notre point de vue sur l’état actuel des obligations par rapport aux actions. Le deuxième volet est la répartition régionale des actions, et il vise plusieurs emplacements géographiques : Amérique du Nord, EAEO et marchés émergents. N’oubliez pas que les marchés émergents ne constituent plus des placements satellites. Ils sont devenus une catégorie d’actif de base qui représente aujourd’hui près de 18 % de l’indice MSCI Monde tous pays. Le troisième volet porte sur les titres à revenu fixe, pour lesquels les décisions clés sont prises en fonction de la sensibilité aux taux d’intérêt et du risque de crédit. Nous offrons neuf FNB qui composent le marché obligataire canadien, nous disposons ainsi d’un large éventail d’outils pour ajuster l’exposition aux obligations fédérales, provinciales et de sociétés.
Les devises constituent le quatrième volet de notre philosophie. Nous n’appliquons pas ce filtre tous les jours, mais il nous donne la liberté de couvrir les titres en dollars canadiens contre les fluctuations de quatre importantes devises : le dollar américain, l’euro, le yen et la livre sterling. Pour ce faire, nous avons recours à des contrats à terme, ce qui est beaucoup plus avantageux sur le plan fiscal que d’effectuer des opérations physiques. Enfin, le cinquième volet concerne les facteurs. J’aime penser que ceux-ci représentent l’ADN du marché boursier. Vous pouvez les utiliser pour faire une analyse pointue de votre portefeuille sans connaître les secteurs ou les régions géographiques sous-jacents. Il s’agit, pour les investisseurs, d’une autre façon de vérifier si nous prenons activement des décisions concernant le portefeuille, que ce soit en privilégiant une faible volatilité par rapport à un bêta élevé, des sociétés à petite ou à grande capitalisation, ou encore la qualité plutôt que le momentum.
Que dites-vous aux conseillers au sujet des récentes préoccupations liées à l’inflation?
SS Nous commençons à observer des hausses de l’inflation d’une année à l’autre, comme lors de la réouverture de l’économie. De plus, la mesure privilégiée par la Réserve fédérale américaine (Fed) pour calculer l’augmentation des prix, soit les dépenses personnelles de consommation (DPC), a récemment fait état de la plus forte hausse mensuelle depuis des décennies. La banque centrale a tenté d’apaiser les inquiétudes des investisseurs en indiquant qu’elle ne tiendrait compte que des moyennes mobiles, plutôt que de fixer des limites strictes. De plus, elle a indiqué que le taux de chômage aura tout autant d’influence sur la décision de relever ou non les taux d’intérêt. Les investisseurs devraient donc rester à l’affût de ces deux facteurs.
En fin de compte, le diable est dans les détails. Si vous examinez comment l’inflation se produit aux États-Unis, vous aurez une idée plus précise de la source de cette hausse. Le calcul complet se compose d’environ 300 postes, divisés en éléments de base (produits alimentaires et énergie) et en éléments secondaires (tout le reste). L’inflation du prix des aliments est stable depuis des années dans les marchés développés, mais j’ai remarqué que le prix du bacon et des saucisses à déjeuner est en hausse de 13 % sur 12 mois, ce qui pourrait alarmer certains amateurs de viande.
De toute évidence, le marché de l’habitation est l’un des principaux moteurs de l’inflation. Malgré l’augmentation du nombre de personnes qui quittent les centres-villes pour s’installer dans les banlieues et la vigueur des mises en chantier aux États-Unis, nous n’avons pas observé de hausse importante sur 12 mois. Cette situation est attribuable à une Réserve fédérale extrêmement conciliante qui estime disposer d’outils adéquats. Freiner l’inflation n’est pas un problème pour la Fed, parce qu’elle a non seulement de bons freins, mais aussi des freins pneumatiques et un parachute. De plus, elle dispose d’une persuasion morale quant au moment où elle abordera la question du relèvement des taux. La seule chose qui la préoccupe, c’est de freiner l’inflation trop tôt.
Qu’en est-il de l’inflation des salaires? Que devraient penser les investisseurs de la hausse des revenus?
SS Historiquement, les salaires représentent près de 40 % de la croissance sous-jacente de l’inflation des prix à la production, car les gens ont tendance à dépenser plus lorsqu’ils gagnent plus d’argent. De toute évidence, cela stimule l’économie, d’autant plus que 66 % de l’économie américaine est basée sur la consommation. Cependant, l’inflation des salaires ne se fait pas du jour au lendemain aux États-Unis. Lorsque l’ancienne présidente de la Fed Janet Yellen a envisagé de mettre fin graduellement aux mesures de relance en 2013, elle estimait que le plein emploi se situait autour de 4,5 % (taux de chômage). Or ce taux a chuté à 3,5 % par la suite, et l’inflation des salaires ne s’est pas produite. Pendant la pandémie, le taux de chômage a grimpé à 13,5 % et, même si depuis il a baissé à 5,8 %, il n’y a aucune raison de croire que l’inflation des salaires se maintiendra à long terme. Si l’inflation ne se situait pas à 3,5 %, nous ne remarquerions pas autant l’inflation des salaires maintenant.
Pourquoi parle-t-on alors autant d’inflation?
SS Premièrement, les salaires ont brièvement bondi pendant la ruée vers le retour au travail, car les employeurs tentaient de renforcer leurs effectifs avant la réouverture des entreprises. Deuxièmement, les salaires moyens ont augmenté pendant la pandémie, parce que les travailleurs au bas de l’échelle dans le secteur des services ont perdu leur emploi et ont été exclus du calcul. Les chiffres semblaient solides, mais seulement parce que le dénominateur avait changé. Ensuite, il est important de prendre en considération les travailleurs sous-employés, c’est-à-dire les personnes qui souhaiteraient occuper un emploi à temps plein ou qui travaillent actuellement en deçà de leur niveau de compétence et qui ne sont pas pleinement engagées. Enfin, comme le montre la baisse du taux de participation, certaines personnes ont quitté le marché du travail et pourraient le réintégrer en tout temps. Nombre d’entre elles l’ont fait pendant des années, après la grande crise financière. La capacité excédentaire demeure élevée et le nombre d’offres d’emploi est à un sommet jamais vu. Bien que la croissance des salaires puisse être limitée à certains secteurs, nous ne la considérons pas comme un facteur d’inflation important pour les 12 à 18 prochains mois.
Attardons-nous maintenant au portefeuille. Parlez-nous de vos marchés préférés pour le portefeuille.
SS Bien sûr. Il va sans dire que nous surpondérons les actions depuis avril de l’année dernière. Notre plus important ajustement a eu lieu au premier trimestre de 2021, lorsque nous avons ramené la pondération des actions américaines et des actions des marchés émergents au point neutre afin de relever de deux niveaux la pondération des titres canadiens, qui est passée d’une sous-pondération à une surpondération. On peut affirmer que ce changement favorise la valeur plutôt que la croissance, ou les titres cycliques plutôt que les titres défensifs, parce qu’il est dans la nature de l’économie canadienne de se démarquer lorsque les taux augmentent. Qu’il s’agisse des produits de base, de l’énergie ou des banques, le pays est propulsé par des secteurs qui se comportent bien dans ce contexte, ce qui explique pourquoi nous avons décidé de surpondérer les titres canadiens.
Pour ce qui est des titres à revenu fixe, nous nous sommes bien positionnés en sous-pondérant légèrement la duration. Cela dit, la volatilité des taux d’intérêt nous rappelle qu’il est risqué d’adopter une position audacieuse dans un sens ou dans l’autre, surtout lorsqu’il s’agit d’un portefeuille multiactif. Selon le portefeuille, la duration varie de un à trois trimestres. Plus nous pondérons fortement les obligations, plus nous consacrons une grande partie de notre budget de risque à la gestion du risque lié à l’inflation, car les actions constituent l’une des meilleures couvertures d’un portefeuille multiactif. Elles agissent comme une protection naturelle contre l’inflation, et nous préférons consacrer notre budget de risque à leur potentiel d’appréciation plutôt que d’essayer de déterminer où aboutiront les taux d’intérêt lorsqu’ils varient de 10 à 20 points de base.
Nous essayons d’appliquer la stratégie à cinq volets à nos opérations afin d’éviter que le portefeuille ne penche trop d’un côté ou de l’autre. Nous ne mettons pas tous nos œufs dans le même panier, car nous investissons dans des secteurs diversifiés. Par exemple, en plus d’offrir une surpondération des titres canadiens, notre portefeuille de titres à revenu fixe propose une exposition aux titres du Trésor américain protégés contre l’inflation (TIPS) afin de mieux gérer le risque lié à l’inflation. De même, pour ce qui est des facteurs, nous conservons une certaine exposition aux actions américaines à faible capitalisation, lesquelles affichent un solide rendement depuis que nous les avons acquises, l’année passée. Peut-être qu’une consolidation surviendra à nouveau si les titres du secteur technologique mènent le peloton, mais la réalité est que la hausse des taux favorise une rotation des titres de croissance en faveur des titres de valeur, et cette situation pourrait encore se produire.
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